Nos vies sont remplies à craquer d’activité.
J’entends souvent les gens gémir avec nostalgie.
“C’était mieux avant, on avait le temps.”
Mais est-ce bien certain ?
Dans ce numéro du Génie de l’évolution, je vous propose un panorama du temps de cerveau disponible depuis l’aube de l’humanité.
Alors non, pas le temps de cerveau disponible que Patrick Le Lay voulait vendre à Coca-Cola !
Ce temps de cerveau disponible désigne ici celui qui n’est pas occupé à travailler, dormir, se nourrir, se vêtir et entretenir son foyer.
Nous nous poserons deux questions cruciales :
Avons-nous vraiment moins de temps qu’avant ?
Que faire pour réellement libérer notre temps ?
Vous quand vous calculez votre temps de cerveau disponible à partir de votre boite mail du lundi matin.
1 - La Préhistoire : âge d’or de l’oisiveté ?
Il y a comme une vision tenace d’un âge d’or de l’humanité, vivant dans une totale oisiveté, et que l’agriculture serait venue achever.
Cela me semble un peu exagéré, mais ce n’est pas si éloigné de la réalité.
Un petit groupe de chasseur-cueilleur vivant sur une terre abondante passe relativement peu de temps à trouver sa subsistance.
Vivant dans des abris de fortunes, nos ancêtres ne s’épuisent pas à bâtir. Il faut certes préparer les peaux pour se vêtir, tailler la pierre, réparer les armes, vanner les paniers, entretenir le feu. Mais cela laisse probablement pas mal de temps libre.
Les préhistoriens estiment donc à 4h le temps actif par jour pour assurer la survie au Paléolithique supérieur.
Avec l’apparition des sociétés plus structurées et la spécialisation du travail, notre temps de liberté n’a cessé de diminuer.
Toutes les études montrent une lente et régulière évolution du temps de travaillé qui atteint son apogée au début de l’ère industrielle.
À l'époque de l'empereur Claude, il y avait encore 159 jours où aucune activité n'était menée.
Au Moyen Âge, nous n’étions pas encore harassés par le travail. Autour de l’an 1000, nos ancêtres avaient encore 190 jours de congés par an.
Les fêtes de villages, les fêtes des saints locaux, les fêtes des corporations : tout se cumulait jusqu’à atteindre ce chiffre incroyable : en moyenne, on travaillait un jour sur deux.
Rappelons pour la comparaison qu’en France en 2024, nous avons en moyenne 147 jours non travaillés.
On peut donc clairement affirmer qu’avant l’ère industrielle, nos ancêtres se tournaient bien plus les pouces que nous.
2 - L’ère industrielle : l’avènement des cadences infernales.
C’est en effet au XIXème siècle que les choses se gâtent.
C’est totalement contre-intuitif, mais l’invention des machines et de l’électricité, bien loin de diminuer notre peine, allonge le temps de travail de manière drastique.
Surprenant ? Voici un exemple.
Alors que dans les villes du Moyen Âge, il était interdit de travailler à la bougie pour éviter les incendies, l’électricité permet de faire trimer les ouvriers avant l’aube et bien longtemps après le coucher du soleil.
Ainsi, en 1800, un individu avait à la naissance 2 années de temps de cerveau disponible sur toute une vie.
C’est vraiment très peu. Le sort des ouvriers du XIXème siècle a probablement été l’un des pires de l’histoire européenne. Ce n’est pas Charles Dickens qui dira le contraire.
Heureusement, de nombreux facteurs font évoluer la situation :
Les progrès de l’hygiène et de la médecine provoquent l’allongement de l’espérance de vie.
Les mouvements sociaux permettent la réduction progressive du temps de travail.
Les progrès de la mécanisation accroissent la productivité et libèrent enfin les hommes des travaux pénibles ou répétitifs.
Ajoutons à cela un autre phénomène : nous dormons de moins en moins. Nous avons perdu 1h30 de sommeil par nuit depuis 50 ans !
Pour toutes ces raisons, aujourd’hui, un individu qui naît possède 17 années de vies en temps de cerveau disponible, soit 1/3 de son temps éveillé.
Cette durée à fait X8 depuis 1800, et X5 depuis 1900. (Source : Apocalypse cognitive – Gérald Bronner)
Incroyable n’est-ce pas ?
3 - Du big-bang technologique au big-crunch cognitif ?
C’est alors que le rêve de l’humanité se réalise : libérer nos existences grâce aux machines, que notre pire cauchemar survient : vivre en burn-out permanent !
Car le ressenti est inversement proportionnel :
Nous n’avons jamais autant couru après le temps.
Nous n’avons jamais eu autant le sentiment d’en manquer.
Nous avons rarement ressenti une telle pression temporelle.
D’où vient ce paradoxe et comment lutter contre la surcharge cognitive ?
Je vais tout d’abord vous fournir 3 raisons de cette implosion cognitive.
Raison 1 - Les tâches automatisées sont excessivement répétées.
L’émiettement de nos actions nous épuise cognitivement.
J’ai déjà parlé de ce phénomène dans un billet précédent : En finir avec nos vies fragmentées !
Voici un exemple :
Un trajet que nous mettions 2 jours à réaliser en calèche n’était entrepris de 2 fois l’an.
Ce même trajet réalisé en 2 heures en TGV est fait deux fois dans la même journée.
Au bilan, nous sommes perdants. Nos temps de déplacement ont explosé.
Raison 2 - L’exigence sur nos expériences crée de la fébrilité.
Une vie d’antan était très simple. Le métier se transmettait au sein de la famille, le mariage se faisait au sein de la paroisse.
Simple, mais ennuyeux, j’en conviens.
L’explosion du champ des possibles nous permet de rêver nos existences.
C’est grisant, mais cette multiplicité des possibles nous fait gesticuler dans tous les sens.
Nous faisons un peu de tout, provoquant le sentiment de ne profiter de rien.
Raison 3 - L’explosion de l’accès à l’information crée une nouvelle anxiété.
Cette anxiété porte même un nom, le syndrome FOMO (de l’anglais : Fear of missing out). C’est une anxiété sociale caractérisée par la peur de manquer une nouvelle importante et une occasion exceptionnelle d’interaction sociale.
Cette anxiété de ratage vous fait regarder vos mails et votre portable toutes les 2 minutes.
Il est donc temps d’en finir avec ce billet et de se poser la vraie question.
4 - Qu’allez-vous faire de ces 17 années de temps de cerveau libre ?
Voici 3 propositions pour vraiment exercer votre liberté.
Faites des choix
Il est temps de prendre conscience de la supériorité de la qualité sur la quantité.
Une relation profonde vaut mieux que des centaines de connaissances.
Un long voyage vous bouleverse plus que 10 WE de 48h.
Un livre vous apprend plus que 100 shorts sur Tik Tok.
La liberté est dans la sélection.
Choisissez le Génie de l’évolution 👇
(Fin de ma séquence Patrick Le Lay)
Muscler votre concentration.
La capacité à rester focus s’exerce comme un muscle.
Le deep-flow est au cerveau ce que les abdos sont à votre Summer Body.
La liberté serait-elle dans la répétition ?
Valoriser le vide.
Notre société du trop-plein nous fait craindre le rien.
L'élément principal qui compose l'univers, c'est le vide.
La matière elle-même est faite de vide : dans un atome, le noyau ne compte que pour un million de milliardièmes du volume total.
Nous sommes faits de vide.
Apprenons à le chérir comme l’un des éléments les plus précieux de nos vies.
Régulièrement. Ne faites rien.
La liberté est dans l’abandon.
Vous voulez aller plus loin sur ce sujet ?
Pour faire vivre une expérience unique à vos équipes, découvrez ma conférence ÉTIRER LE TEMPS !
Un voyage dans le temps et dans l’espace pour se réapproprier son agenda et trouver la sérénité.
Pour en savoir plus, écrivez-moi !
Conférence du 9 février 2024 chez MICROSOFT : bientôt chez vous ?
Passionnant, merci beaucoup. C'est un sujet qui me parle beaucoup, beaucoup de réflexions dessus.
Une magnifique synthèse du temps des horloges, celui qui a été inventé au début de l'ére industrielle. Il était impératif que les machines et les hommes vibrent à la même cadence pour pouvoir synchroniser les actions. Par exemple, pour que les trains arrivent à la même heure sur tout le territoire et maintenant sur la Terre tout entière.Maintenant, pour que les informations bancaires se transmettente à la nanoseconde.
Le temps des horloges occulte toutes les autres formes du temps vécu par l'être humain.
Merci à vous, à votre présence.